« Comment
faire une analyse auditive qui ne soit pas subjective ? Cette question
sous-entend que la subjectivité n’est pas scientifique. Et il faut
questionner
le "fait d’art" sous cette lumière trouble. » [6]
Une question, une constatation et une
problématique. Cette citation, au cœur même de l’objet "analyse",
interpelle directement la scientificité d’une entreprise méthodologique
relative à l’art ; à la musique en l'occurrence. Sur les
niveaux les plus
bas, bases de la construction des piliers d’une analyse auditive, deux
éléments
sont mis en relation directe : l’analyste et le matériau
analysé. Cette
relation paraît évidente d’emblée. Il suffit de la "poncer" pour
découvrir
que les paramètres qui la régissent ne sont pas, quant à eux, évidents.
L'analyste, émanant d’une certaine culture, est soumis, par défaut, à
un champ
auditif permanent qui lui permet de construire une représentation
musicale du
matériau sonore. L’analyste est, dans cette circonstance, un auditeur
expérimenté dont l’analyse se transforme en un processus
d’évaluation
schématique mentale [7]
du matériau sonore. Une part de subjectivité
est dès lors inéluctable. D’un autre coté, l’analyse dépend fortement
du
contexte ou du support du matériau musical en question. Un document
audio-visuel rapporte plus d'informations sur l’événement musical qu’un
document sonore. Ce dernier, concernée, en toute vraisemblance, par
l’analyse
auditive, est étroitement lié à l’événement musical écouté.
Par
conséquent, d’autres paramètres doivent être pris en
considération : de
quel support s’agit-il ? Est-ce une musique en temps réel ou
une musique
montée ? Y a-t-il des effets sonores rajoutés au signal de
base ?
Quel cadre attribuons-nous à l’analyse en présence de toutes ces
conditions ?
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[6]
CHOUVEL
Jean-Marc, «
Una Analisi Uditiva. Round de
Luciano Berio », Rivista di Analisi e Teoria
Musicale, LIM Editrice srl, Lucca, 2006, pp. 129-141
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[7] Terminologie
empruntée à Mondher Ayari et Stephen McAdams, « Le schéma
cognitif culturel de l’improvisation modale arabe : forme musicale
et analyse perceptive », Observation, Analyse, Modèle : Peut-on parler d’art avec les outils de la science ?, Textes réunis par Jean-Marc Chouvel et Fabien Lévy, Les cahiers de L’IRCAM, L’Harmattan, Paris, 2002, p. 396
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Le
fait d’aborder toutes ces évidences remet en question l’outil principal
de la compréhension de la musique. L’analyse, structurellement et
formellement saillante, ne peut trancher le dynamisme de la musique et
son caractère mou et insaisissable. C’est ainsi que l’"auditif"
intervient, avec sa part de subjectivité tirée du "fait d’art", pour
redonner à l’analyse une marge de manœuvre scientifique basée sur
« une expérience toute particulière qui tient à la rencontre de deux singularités : celle d’un auditeur et celle d’une oeuvre. » [8] |
[8] Chouvel rajoute qu’ « Au
fond, on pourra dire que l’analyse auditive que nous avons menée est
une parfaite illustration de cette singularité : c’est l’analyse de
Rounds de Luciano Berio, par Jean-Marc Chouvel. » Op. Cit.,
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