14. Conclusion
Les formats de production spécifiques à Mondomix et à Sonorama, la délimitation ouverte ou fermée des contenus et, surtout, le volume plus ou moins exhaustif des documents présentés induisent deux types d'organisation fonctionnelle différents qui supposent des méthodologies de réalisation distinctes.
Si Mondomix et Sonorama ont en commun de s'être donné comme objectif principal la diffusion de contenus musicaux, la nature sensiblement différente des types de musique abordés impose notamment des modes de captation et de restitution distincts. Le site Mondomix donne avant tout à voir et à entendre la prestation d'artistes engagés dans une démarche de circulation et de mise en partage à l'échelle mondiale de pratiques musicales d'origine traditionnelle, avec l'intention sous-jacente de donner un point de vue en temps réel de ce que seront les futures musiques populaires. Ainsi, la diffusion des musiques présentées sur ce site résulte d'un travail de captation réalisé en studio ou lors de concerts publics - sur scène - , l'idée étant de restituer dans un même format et sur un même pied d'égalité la prestation d'artistes émergents ou internationalement reconnus.
La démarche de Sonorama, dont l'objectif est de restituer la réalité de situations musicales qui font sens localement, va en sens inverse. Les vidéos ont toutes été filmées au cours de séances de répétition de groupes de musiciens ou lors de rituels intéressant l'ensemble de la communauté d'un village ou d'un quartier : la caméra est soit placée parmi les spectateurs-participants, au coeur de l'action, soit au loin, de façon à capturer un "paysage" sonore dans son ensemble comprenant l'événement musical principal enrichi d'éléments visuels et sonores concomitants qui, en plus de donner une idée du contexte, témoignent du point de vue des auteurs et de l'expérience de travail sur le terrain. Pour les "Boîtes à rythme", les captations audiovisuelles ont été faites en studio, dans une perspective analytique, au plus près des danseurs et musiciens de manière à pouvoir en isoler les éléments constitutifs.
Ces deux réalisations multimédia destinées au grand public laissent penser que pour faire sens, la musique gagne à être abordée selon des procédés méthodologiques qui tiennent compte à part égale du choix de la progression intellectuelle envisagée et de la valeur de l'expérience sensible proposée à l'utilisateur.
Appliquée au domaine de la recherche en ethnomusicologie, le multimédia prend aussi la valeur d'un dispositif permettant d'opérer la reconstitution de savoirs musicaux, que ceux-ci concernent l'aspect purement acoustique d'un événement musical ou encore l'ensemble des faits et des données qui lui donnent du sens. Envisagé sous cet angle, ce type de réalisation mériterait sans doute d'être conduit parallèlement à une réflexion de fond prenant en compte trois préoccupations interdépendantes qui concernent la représentation visuelle de l'immatériel, celle du temps musical qui suppose aussi une expérience de la durée, et les modes de transmission de savoirs scientifiques. Plus concrètement, un programme de recherche concernant ces questions trouverait notamment son application dans la mise au point de schémas et de dispositifs graphiques ne nécessitant pas la connaissance des conventions de l'écriture musicale classique occidentale (portées à cinq lignes, etc.), synchronisées avec le temps musical. L'ensemble pourrait alors servir de support aussi bien à une expérience d'écoute exceptionnelle qu'à la transmission des résultats d'une analyse en facilitant le repérage et la description d'une pièce musicale envisagée dans tous ses aspects, allant de l'intention des musiciens jusqu'aux détails des procédés de la performance.
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