Chapitre précédent - Chapitre suivant - >> Accès à passage, la série des U (phase 2)
La description des UST est ici appliquée à des animations visuelles. La scientificité d’une telle description n’est pas assurée : le traitement de la temporalité n’a pas encore fait l’objet d’une validation psychologique et la modélisation en est encore à ses débuts. Cela ne doit pas empêcher l’intuition et « l’intime conviction » de produire des hypothèses interprétatives ; si les compositeurs du MIM avaient attendu les validations pour construire leur système, celui-ci n’aurait tout bonnement jamais vu le jour. On peut simplement indiquer que la plupart des personnes qui ont vu cette analyse et sont au fait des UST n’ont pas émis d’objection particulière. Le seul point en discussion semble être la trajectoire pressentie dans l’étape 2, mais comme la seule propriété de cette trajectoire qui est utilisée dans l’interprétation est la prédictibilité locale de la position, la nature exacte de l’UST importe peu.
La série des U constitue le squelette de la phase 2 de passage. Vous pouvez en exécuter une version indépendante de passage publiée en ligne dans Electronic Literature collection n° 1. La version analysée ici est une capture vidéo accessible à partir du lien supérieur de cet article ou du site du MIM. Cette analyse est une partie du Cahier du MIM publié sur passage (Cahier présentant de multiples aspects non liés aux UST et qui sont absents de ce numéro de Musimédiane).
Lorsque nous créons de la signification à la lecture d’une animation multimédia, nous utilisons préférentiellement les systèmes sémiotiques dont nous avons l’habitude, notamment, dans passage, le système linguistique puisqu’il s’agit d’un poème numérique qui possède de nombreux textes imprimables séparément. Pourtant, le traitement temporel que nous avons mentionné oblige à compléter ce système par des apports extralinguistiques. On a généralement tendance à considérer qu’à l’écran tout texte est une image. Ce point de vue interdit à mon avis d’expliquer les phénomènes réellement mis en jeu car l’image est elle-même le siège de systèmes sémiotiques qui reposent notamment sur le dessin (signe iconique) et les couleurs (signe plastique) mais qui excluent le système sémiotique. Ainsi donc, remplacer un système évident par un autre plus complexe revient à jeter le bébé avec l’eau du bain. Il vaut mieux considérer que le texte animé à l’écran est le lieu d’une superposition de systèmes sémiotiques : le système linguistique (utilisé pour décoder les structures de langue courtes, par exemple la phrase, et qui met ainsi en place le sens littéral du texte), le système textuel (utilisé pour décrypter les structures de langue longues et les phénomènes de rhétorique, ce système permettant de traiter les connotations, les résonances entre situations linguistiques et permet de construire un sens poétique), et d’autres systèmes dont le système fondamental de la sémiotique temporelle. On dit alors que l’ensemble constitue un système pluricode. Les systèmes pluricodes sont, dans les animations syntaxiques, souvent caractérisés par la présence d’une sémiotique temporelle qui génère des états ambigus constituant un déséquilibre linguistique (les expressions semblent incomplètes) en attente de résolution. Dans ce cas, l’animation est à la fois mouvement (dans la sémiotique temporelle) et attente (dans une sémiotique linguistique).
La version 2009 de passage regorge de fonctionnements pluricodes. Comme exemple, considérons la série des U telle qu’elle se présente à la première lecture dans le poème. La série des U constitue la portion programmée la plus ancienne de la version (comme pour chaque version d’ailleurs). Commençons par décrire les faits observés qui feront l’objet de l’interprétation pluricode. Les étapes repérées s’enchaînent continûment. Les systèmes sémiotiques mis en œuvre dans cette interprétation sont au nombre de 5 :
Disons de suite que le son intervient dans un autre processus signifiant qui est simultané à celui ici analysé et que nous présenterons lorsque sera traitée la relation entre musique et visuel. Le fond de la série des U est bleu et constamment sujet à des modifications. Il sera plusieurs fois fait référence dans la description au « fondu pixel ». Il s’agit d’une transition visuelle qui remplace aléatoirement pixel par pixel l’état initial de la transition par son état final. De ce fait, seules les régions qui diffèrent d’un état à l’autre sont concernées par cette transition.
Le tableau suivant présente une observation de la séquence (colonne de gauche) et l’interprétation de cette observation (colonne de droite). Les notions d’unité syntagmatique et d’unité paradigmatique se réfèrent à la terminologie utilisée pour décrire la structure hypertextuelle de la phase 2 de passage. La série des U est constituée par la suite des unités syntagmatiques et se nomme ainsi car la plupart de ces unités ont un nom qui commence par la lettre U.
Étape 1 : Dans la séquence U1, un rectangle blanc se développe verticalement à droite de l’écran et à mi-hauteur de ce dernier tandis que le fond bleu subit un étirement horizontal. La luminosité de ce rectangle diminue alors progressivement jusqu’au noir tandis qu’apparaît progressivement en son centre le mot « le » qui en occupe totalement l’intérieur. L’état final du processus reste affiché environ 2 s puis le mot disparaît brutalement pour réapparaître en fondu pixel lettre à lettre tandis que le rectangle disparaît dans cette transition. Le mot « le » reste alors seul à l’écran environ 2s. |
L’étape 1 développe une UST stationnaire proche de la version sonore d’un « en flottement ». Elle est ici constituée par le jeu d’apparitions et de disparitions du rectangle et de la graphie du mot « le ». Ce mot intervient dans la sémiotique temporelle par le système typographique, non par le système linguistique. Les fondus pixels utilisés n’ont aucun sens dans le système linguisitique. La signification d’une UST se suffit à elle-même : le stationnaire est une attente. Celle-ci induit néanmoins une signification textuelle : elle stabilise la signification « masculin » sur un endroit spécifique à droite de l’écran en toposyntaxe (lecture spatiale), tout en créant l’attente d’une construction linguistique puisque l’article « le » ne se suffit pas à lui-même dans le système linguistique. Ce stationnaire constitue donc un déséquilibre linguistique constituant le point de départ d’un processus de constitution d’une phrase en chronosyntaxe (lecture temporelle). |
Puis, Étape 2, dans la séquence U2, les lettres se dédoublent, de sorte qu’une lettre « l » et une lettre « e » s’envolent vers la gauche de l’écran à vitesse constante selon une trajectoire courbe simple, l’une vers le haut, l’autre vers le bas. Le mot « le » resté à droite s’efface alors progressivement mais cet effacement n’est perceptible que lorsque les lettres mobiles sont déjà bien engagées sur leur trajectoire. L’effacement est complet sur la fin du mouvement des deux lettres mobiles. |
Le mouvement des lettres de l’étape 2 constitue une « trajectoire inexorable » qui consiste en la variation monotone d’un paramètre. Cette UST est caractérisée par un fort degré de prédictibilité locale : on devine ce qui va se passer à l’instant suivant. Ce degré est ici obtenu par l’emploi d’une trajectoire mathématique simple et par la constance de la vitesse de déplacement. La trajectoire inexorable pourrait d’ailleurs être décrite par l’accroissement régulier et constant de l’abscisse curviligne, cette fonction représentant parfaitement ici le MTP d’une trajectoire inexorable. Ce n’est donc pas la sémiotique temporelle mais l’attente linguistique en chronosyntaxe qui crée un caractère supplémentaire téléologique étranger à la trajectoire inexorable : on anticipe par l’allure rapidement prévisible des trajectoires que la configuration « le » peut se reformer. La reformation du mot constitue un moment privilégié dans la résolution de l’attente linguistique puisque la linguistique, alors, est à nouveau mobilisée comme système sémiotique dominant. L’effacement progressif du mot statique « le » à droite de l’écran est interprété comme l’UST « sur l’erre » caractéristique des fins de processus (le processus disparaît par évanescence). On peut ainsi interpréter textuellement la simultanéité de ces deux UST comme le déplacement temporel du genre masculin de la droite à la gauche de l’écran. Mais l’attente linguistique initiale n’est pas résolue : ce processus demeure l’état initial d’un processus linguistique temporel de création d’une expression linguistique. |
Étape 3 : lorsque les trajectoires des deux lettres se croisent, celles-ci forment à nouveau le mot « le » et leur mouvement cesse. Le mot « pas » apparaît alors progressivement à leur suite sur la même ligne pour former l’expression « le pas » puis immédiatement (la séquence U3 débute alors) les deux lettres « se » apparaissent en fondu pixel progressif pour former le mot « passe ». L’expression « le passe » demeure alors seule à l’écran durant 2 s tandis que le fond continue à se modifier. |
L’étape 3 voit la résolution de l’attente linguistique avec la création de l’expression « le pas » en topo et chrono syntaxes. Ce syntagme nominal ne constitue pas pour autant une proposition linguistique autonome. La fin de l’étape crée une divergence entre les deux syntaxes linguistiques : la toposyntaxe qui repose sur la spatialité et la chronosyntaxe qui repose sur la temporalité. Il appartient au lecteur de lever l’ambiguïté en optant (inconsciemment) pour l’une des deux solutions, voire en maintenant l’ambiguïté en tant que processus textuel irrésolu, dans la continuité des attentes linguistiques repérées dans les étapes précédentes. En effet, si on suit la toposyntaxe, celle qui s’impose certainement le plus facilement ici, l’apparition des lettres « s » et « e » génère l’expression « le passe » qui n’est plus cohérente linguistiquement et constitue à nouveau l’attente initiale d’un processus de complétude linguistique qui peut, selon les modalités de lecture choisies (choix de lire en toposyntaxe ou en chronosyntaxe), se poursuivre sur l’ensemble de la série des U. En revanche, en chronosyntaxe, le mot « passe » apparaît après l’expression « le pas », ce qui fait bien apparaître la proposition « le pas passe » qui est complète. Ce sentiment est appuyé par le fait que les apparitions de « pas » et de « se » peuvent toutes deux être perçues comme des trajectoires à but défini(1). La césure de l’apparition de « passe » en deux trajectoires crée alors une respiration qui détache l’expression « le pas ». Cette dernière interprétation est compatible avec la notion d’unité syntagmatique. En effet, dès l’étape 1 et jusqu’à la fin de l’étape 3, les lettres « l » et « e », quels que soient leur état et leur position, constituent des ancres donnant accès à l’unité paradigmatique « genre ». Le terme « pas », depuis le début de son apparition, envoie sur l’unité paradigmatique « matière ». En revanche, dès que « se » commence à apparaître, cette même expression « pas » ainsi que le « se » envoient sur l’unité paradigmatique « temps ». Le syntagme de concepts constitué dans la temporalité est donc « genre », « matière », « temps ». |
Étape 4 : une lettre « l » réapparaît à la place qu’elle occupait dans le mot « le » à la droite de l’écran et entame immédiatement un mouvement de même nature que les mouvements précédents, sur une trajectoire qui l’amène juste devant la première lettre à gauche. Lorsque la lettre se situe vers le milieu de cette trajectoire, une lettre « e » statique apparaît progressivement, de sorte que le mot « le » s’est transformé en « elle » à la fin du processus conjoint d’apparition/ déplacement. Est donc présent à l’écran en fin de processus l’expression « elle passe ». |
La réapparition du « l » à son emplacement initial à l’étape 4 peut conduire le lecteur à modifier l’interprétation temporelle de la disparition initiale du « le » droit (cette interprétation était alors un « sur l’erre ») et l’amener à considérer que ce « l » qui réapparaît est une résurgence du « le » de droite. Dans ce cas, le « sur l’erre » de l’étape 2 n’apparaît plus que comme un accident dans le stationnaire repéré auparavant. Cette réinterprétation de la sémiotique temporelle de ce « le » comme stationnaire, subsistera alors jusqu’au déplacement de l’expression « le fil » en début d’étape 7. Ce changement d’interprétation n’est pas obligatoire mais fort probable. Il a comme conséquence de réactiver la présence du masculin dans la lettre « l » qui apparaît seule : il ne s’agit pas simplement d’une lettre mobile, son déplacement selon une trajectoire inexorable est alors compris comme une variante de l’étape 2, même si les autres éléments : le « e » mobile et le « le » statiques sont absents ou plutôt présents d’une autre façon : le « le » est en effet présent mais à gauche, ce qui est conforme au résultat du déplacement du masculin obtenu comme état final de l’étape 2, et le « e » manquant va réapparaître progressivement à gauche dans cette étape 4, selon une trajectoire à but défini portant sur l’opacité. Ainsi donc, le « l » mobile et le « e » statique qui apparaît en fondu, sont interprétables, à partir de la sémiotique temporelle, comme le masculin du mot « le ». L’animation constituée à la fois par le déplacement du « l » et l’apparition du « e » constitue, tout comme à l’étape 2, une trajectoire. Elle est donc affectée de la même signification de déplacement. On obtient ainsi un résultat textuel totalement impossible à obtenir par voie statique : le masculin se déplace, se fond progressivement dans le féminin obtenu par la sémiotique linguistique aussi bien en toposyntaxe qu’en chronosyntaxe, ces deux modalités syntaxiques donnant la proposition « elle passe ». Ce « morphing linguistique », effet de sens qui consiste à passer en continuité d’une proposition linguistique cohérente à une autre comme si les oppositions entre termes linguistiques -ici masculin et féminin- pouvaient être abolies, est un phénomène fréquent dans les animations syntaxiques. Son interprétation est laissée à la discrétion du lecteur. Il peut l’interpréter comme une transformation de l’un en l’autre ou comme une fusion créant momentanément un « terme androgyne » nécessairement pluricode car il n’existe que le temps de la trajectoire inexorable, ce mot correspondant à un neutre. Cette dernière interprétation constitue en fait l’intentionnalité de l’auteur. Elle lui permet d’introduire le « neutre » comme valeur possible du concept genre. Dans le même ordre d’idée, les valeurs des couleurs manipulées dans les objets graphiques (couleur jaune du texte, couleurs bleues du fond mobile et couleur rouge des formes) anticipent l’utilisation signalétique qui sera faite de la couleur en relation avec le concept matière, à la fois dans l’unité paradigmatique « matière » et en phase 3 de passage. Remarquons également que ce traitement du « le » en « elle » produit un autre morphing, syntaxique celui-là, celui de la fusion d’un article en un pronom. L’article étant associé à un substantif (chose non personnifiée) et le pronom à une personne, ce morphing renforce l’idée du neutre. |
Étape 5 (séquence U30) : le texte s’efface d’un coup à l’exception de la lettre « l » qui a subi le dernier mouvement pour réapparaître à nouveau globalement en fondu pixel. Elle demeure ensuite statique 2 s environ puis se déplace en fondu pixel d’un pixel vers la droite tandis que le mot « le » réapparaît à droite durant cette transition à la position qu’il occupait à l’étape 1. |
L’étape 5 apparaît comme un pur stationnaire, une respiration. Elle peut s’interpréter éventuellement comme une stabilisation du féminin de « elle » et du neutre puisque le masculin de « le » réapparaît. Seul un clic de souris sur le mot « le » réapparu à droite permet de modifier cette interprétation. L’activation de cette ancre hypertextuelle ne conduit pas en effet sur l’unité paradigmatique «genre » comme précédemment, mais sur l’unité paradigmatique « matière ». C’est-à-dire que le déplacement de un pixel vers la droite de « elle passe » en fondu pixel constitue en fait l’état initial d’une nouvelle étape textuelle dans la série, dont nous verrons qu’on peut l’interpréter comme l’introduction d’un nouveau thème, un thème justement « décalé » par rapport à la dynamique générale de la série des U. On peut alors comprendre tout ce qui précède comme un texte « tapi » dans la structure temporelle, texte dont une verbalisation possible est : « il, le pas, passe, le pas de quelque chose passe ». Remarquons que ce déplacement d’un pixel vers la droite se produit à un peu plus de la moitié de la durée totale de la série. |
Étape 6 (séquence U31) : l’expression « elle passe le » constituant l’état final du fondu pixel demeure statique à l’écran 3 s environ puis le mot « fil » apparaît lentement en fin de ligne de façon à former l’expression « elle passe le fil ». Le texte reste statique 2 s environ tandis que le fond se modifie continuement. |
L’étape 6 confirme le changement de statut du « le » car un premier mot relatif à une matière, « fil », apparaît. Une bribe complète est alors formée en chronosyntaxe : « elle passe le fil ». Cette bribe résout l’attente posée depuis le début mais ouvre une nouvelle question : de quel fil parle le texte ? La sémiotique temporelle joue peu ici : il y a bien toujours des processus temporels (des trajectoires inexorables) mais qui ne concernent que le fond, de sorte que cette bribe fonctionne également en toposyntaxe. |
Étape 7 (séquence U32) : l’expression « le fil » située sur le bord droit de l’écran se déplace horizontalement à vitesse constante vers la gauche, laissant apparaître dans ce mouvement l’expression « le fil de l’eau ». Ce mouvement s’accompagne d’un mouvement horizontal d’éléments du fond de la gauche vers la droite. Lorsque l’expression « le fil de l’eau » commence à recouvrir le mot « elle », celui-ci s’efface lentement sur la durée du recouvrement. Lorsque le mouvement est terminé, l’expression « l’eau passe » demeure seule écrite à la droite de l’écran puis le mot « eau » disparaît en fondu pixel. Le mot « passe » n’a pas subi de modification durant cette étape. Il restera affiché de façon statique jusqu’à la fin de la série des U. |
L’étape 7 répond à la question précédente mais, ici aussi, la réponse est sujette à plusieurs interprétations. Le déplacement de l’expression, tout en faisant apparaître une nouvelle bribe qui constitue la réponse attendue la plus visible : « elle passe le fil de l’eau », assure, par son UST trajectoire inexorable, la continuité qui permet de surmonter la rupture syntaxique. Il s’agit encore d’un morphing linguistique puisque l’expression « le fil de l’eau » est complément en début de processus, et sujet en fin de processus dans une chronosyntaxe. Alors que dans une toposyntaxe, la bribe finale « écrite » n’est pas « le fil de l’eau passe » mais « l’eau passe ». On retrouve en fait dans le morphing linguistique plus que la fusion syntaxique mentionnée, on retrouve la fusion sémantique entre le masculin et le féminin. Celle-ci est réalisée de plusieurs manières : par la superposition en fin de chronosyntaxe de « elle » et « le fil de l’eau », qui se conclut par la disparition du féminin « elle » au profit du masculin « le fil ». Le féminin se fond dans le masculin par cette voie de lecture (processus inverse de la fusion du masculin dans le féminin observée précédemment en chronosyntaxe). Mais c’est l’inverse qui se produit en toposyntaxe : « le fil de », masculin, disparaît pour ne laisser subsister que « l’eau », féminin. Enfin, la fusion sémantique ne porte pas uniquement sur le genre, elle porte également sur la matière : « elle » s’identifie d’une part à l’élément « eau », à l’élément mobile « le fil de l’eau », cette identification ayant été annoncée par les trajectoires des lettres « l » et « e » dans les étapes précédentes ainsi que par la mobilité des composants graphiques du fond. Cette identification du féminin « elle » à l’eau reprend un thème constant dans la première phase de passage : « elle » y est tout à la fois la femme et l’eau. Un autre thème est implicite dans ce déplacement, mais il est « décalé », il n’est que faiblement suggéré par une pirouette, comme d’ailleurs dans la phase 1. Il s’agit du thème de la mort. Pour le voir il faut comprendre l’expression « passer le fil » comme un jeu de mots sur « passer au fil » qui impose l’expression implicite « passer au fil de l’épée ». Ici, toute la phrase est peut-être « passée au fil de l’eau », et linguistiquement passée au fil de l’épée ainsi que ce « elle » qui disparaît. Finalement, le thème de la vie/la mort s’impose par la persistance du mot « passe », seul terme, justement, à ne pas passer, sauf pour une raison technique : à un moment le poème dans son ensemble doit cesser. Ainsi, ce qui ne passe pas est l’action même de passer. C’est la signification ultime de tout passage : la seule chose qui ne passe pas dans passage est l’action même de passer, cette action qui définit la vie comme processus. |
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(1) Je propose de nommer ainsi les UST de type Trajectoire inexorable dont on peut prédire l’aboutissement. Cette UST, non pertinente semble-t-il en musique, partage toutes les propriétés de la trajectoire inxorable, sauf son caractère de durée indéterminée. Ici, l’UST s’arrête dès que le but est atteint. De telles UST sont très fréquentes dans le visuel : lorsqu’une image apparaît selon un processus quelconque, on prédit que le processus ne peut se poursuivre au-delà de l’apparition complète de l’image.