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La collaboration avec Marcel Frémiot était déjà bien entamée ainsi que la reprogrammation de la troisième version de passage (dite passage 2009(1)) lorsque je pris connaissance de la théorie des UST. C’est plus par amitié pour Marcel Frémiot, qui avait impulsé et activement participé à la recherche sur les UST, que par curiosité intellectuelle, que je me lançai dans la lecture du livre fondateur de la théorie des UST(2). À cette époque, la série des U, partie qui constitue l’épine dorsale de passage, était déjà programmée. La lecture de l’ouvrage théorique m’a très vite convaincu que, bien qu’il ne traitât que de musique, nombre de structures présentées se trouvaient également dans les formes visuelles animées de la série des U. Ainsi donc, bien avant toute modélisation en MTP et validation psychologique, j’avais l’intuition que les UST s’appliquaient également au domaine du visuel dès lors que celui-ci était travaillé comme processus temporel, autrement dit d’un point de vue particulier. J’ai alors débuté, avec Xavier Hautbois, un travail sur les MTP dans le but de construire une modélisation des traits perceptibles de ces UST qui soit indépendante du média dans lequel ils prennent corps.
C’est seulement bien après que la conception des séquences restantes de l’œuvre s’est directement inspirée de cette modélisation dans la construction de certaines relations entre musique et animation. Cette réflexion a conduit au concept d’a-media, c’est-à-dire d’une représentation multimodale pluricode dans laquelle les signes appartenant à des sémiotiques différentes ne sont pas portés par des médias différents (un système de signes pour le texte, un autre pour l’image) mais par des « clusters » qui mixent des médias différents, ne retenant de ces derniers que certains caractères physiques. L’a-media est un système signifiant qui se superpose aux systèmes traditionnels. Dans ce système, les processus sont porteurs de sens, indépendamment des médias, sièges de ces processus. Analysée en clusters a-media, une animation poétique présente en général 3 niveaux : un cluster de fond de nature temporel, fondement de l’animation, un cluster qualifié « d’expressif » qui affecte surtout le visuel, et un cluster réduit au niveau linguistique. Nous ne présenterons que les clusters temporels dans les exemples traités dans ce dossier.
Je présente ici, du point de vue du créateur, des extraits de deux séquences de passage travaillées dans cette optique et montrant divers types d’associations entre visuel et sonore : une analyse de la texture de la séquence 3 de la phase 1 et une analyse d’un extrait de la séquence « temps » de la phase 2. Il s’agit là d’un point de vue qui ne recouvre pas la totalité de la signification travaillée dans ces séquences, loin de là, et un lecteur pourra tout à fait privilégier des modes de construction de la signification empruntant d’autres points de vue. Il s’agit simplement de montrer que l’outil UST et son pendant, les MTP, peuvent utilement être utilisés en création.
Est également présentée une analyse récente de la série des U. Je l’ai réalisée notamment dans l’optique de comprendre comment fonctionnait ce que je sentais d’instinct lors de la création sans pouvoir l’expliciter. D’autres analyses existent sur la série des U qui n’utilisent pas du tout la théorie des UST. Mon analyse part du principe que le fonctionnement temporel est primordial et signifiant, tout simplement parce que c’est comme ça que la série a été créée, mais d’autres points de vue peuvent donner une autre interprétation au mouvement. Il ne faut pas oublier que, contrairement à ce qui se passe pour le son, la temporalité, dans le visuel, a d’abord été utilisée à des fins de signalétique et que le codage signalétique des phénomènes temporels est fortement contraint (clignotants dans le code de la route, publicités défilantes, enseignes animées…) ; le visuel ne bénéficie pas de siècles de traitement esthétique de la temporalité comme c’est le cas pour le sonore.
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(1) BOOTZ Ph. & FREMIOT M., passage 2, Marseille : MIM, http://www.labo-mim.org/site/index.php?passage2, 2009 (accédé le 15/09/09).
(2) MIM, Les Unités Sémiotiques Temporelles, éléments nouveaux d'analyse musicale, Marseille, MIM (diff. ESKA, doc. Musurgia), 1996.