2. L'analyse sémiologique de la musique électroacoustique

2.4 L'analyse poïétique de la musique électroacoustique

Lorsque j'ai commencé le projet de réaliser une transcription graphique de Gesang der Jünglinge de Stockhausen, j'ai effectué une recherche sur les analyses existantes. J'ai trouvé une analyse très intéressante de Pascal Decroupet et Elena Ungeheuer, présentée dans un article que je traduis ici par : "À travers le miroir sensoriel : l'esthétique et les fondements sériels de Gesang der Jünglinge"[1]. Dans cet article, le pôle esthésique est occulté :

« Seules les questions de séries ont été abordées. La présente étude est basée sur un examen des esquisses du compositeur, celles qui étaient accessibles dans une édition limitée publiée en 1983, et a été effectuée dans le cadre d'un accord avec la fondation Paul Sacher à Bâle. »[2]

Voici un exemple de tableau issu de cet article :

Figure 4. Volées d'impulsions dans les sections A et B (avec les durées) de Gesang der Jünglinge de Stockhausen.

Ce tableau montre la mise en série de la forme des volées d'impulsion dans les sections A et B de l'œuvre. L'ordre d'apparition de ces différentes formes dans l'œuvre obéit à un principe d'organisation sériel.  Ici, on voit que l'on a une série de 7 formes différentes indiquées dans la deuxième ligne du tableau. La série, indiquée dans la première ligne du tableau, est : 5, 2, 4, 3, 7, 6, 1. On a aussi la durée de chaque volée d'impulsions, en secondes, en bas du tableau.   

Ce tableau montre que Stockhausen essaie d'appliquer le principe de la série, non pas à la hauteur, la durée, l'intensité et le timbre, comme de nombreux compositeurs sériels des années 1950, mais également à d'autres paramètres du son, comme ici, la forme d'évolution globale des volées d'impulsions dans le temps.

Dans cette analyse, Pascal Decroupet et Elena Ungeheuer tentent de décortiquer l'ensemble des stratégies compositionnelles de Stockhausen.

Bien que Pascal Decroupet, selon ses propres termes, ne soit pas du tout un disciple de la tripartition de Jean-Jacques Nattiez[3], l'œuvre est analysée sur la seule base de ce qu'on peut appeler des documents poïétiques.

Selon mon point de vue, face à une analyse purement poïétique d'une œuvre électroacoustique, il me semblait très stimulant de montrer, grâce à une analyse de type esthésique, que les spéculations abstraites du compositeur pouvaient être un outil pour la composition, mais pas une finalité. C'était une étape importante de ma réflexion sur l'analyse de cette œuvre.

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