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3. Méthodologie et déroulement de la recherche
La recherche que nous décrivons se fonde sur la thèse de doctorat de l’auteur (2004) dont le thème est l’analyse esthésique de la musique électroacoustique – musique acousmatique – (on peut aussi consulter à ce sujet Alcazar 2006, 2008 a et 2008 b). Elle vise à approfondir l’analyse de différents fragments de musiques électroacoustiques à partir des données obtenues au moyen d’entretiens et d’écrits auprès de personnes diverses après l’écoute d'extraits sonores ; la recherche entend, d’une part, préciser différentes stratégies d’écoute ou conduites-types (confirmant ou non celles décrites par Delalande) qui nous fournissent des critères pour analyser les fragments musicaux choisis et, d’autre part, détecter quels éléments présents dans la musique sont ceux qui ont provoqué de telles conduites d’écoute chez les sujets.
Épistémologiquement, le travail se situe dans le paradigme compréhensif, herméneutique : un cadre théorique qui propose l’examen des phénomènes sous l’angle des sujets et postule que la conduite humaine requiert une compréhension et une interprétation distincte de l’explication causale propre aux sciences naturelles. Selon cette approche, la méthodologie qualitative est celle qui offre les outils les plus utiles puisqu’elle conçoit la réalité comme multiple et flexible, et son objectif est la captation et la reconstruction de signifiés à travers un processus inductif : en partant de la réalité concrète et des données que celle-ci fournit, on arrive à une théorisation postérieure (Paillé, 1994) ; d’où son efficacité pour capter et expliquer la signification de faits complexes chargés de sens. Comme instrument méthodologique, on emploie l’étude de cas, ce qui implique un examen détaillé, compréhensif, systématique et en profondeur du sujet humain objet d’intérêt.
Pendant le recueil de données, on a proposé à chaque auditeur l’écoute de trois fragments musicaux. Chaque sujet a écouté trois fois chacun des trois fragments musicaux, en répondant verbalement (sous la forme d’un entretien) ou par écrit (sous la forme d’un témoignage écrit), après chacune des auditions, à la question : qu’avez-vous entendu et comment l’avez-vous écouté ?
Les fragments de musiques choisies ont été :
Ce choix a été fondé sur un critère de qualité : toutes les œuvres sont d’auteurs reconnus dans le domaine de la musique électroacoustique sur support ; un critère de variété, puisque les œuvres représentent des pratiques de composition très différenciées ; et un critère de durée adéquate, facilitant la réception par des sujets sans expérience d’écoute de ce genre musical, et en prévision d’une durée raisonnable des entretiens. Initialement, nous avions choisi des œuvres ou des parties complètes d’œuvres de durée brève, mais nous avons finalement opté pour les fragments choisis, en tenant compte de leur capacité expressive, de leur variété et de la cohérence du discours que présente chacun, malgré sa segmentation.
En ce qui concerne le choix des informateurs on a adopté un échantillonnage intentionnel et théorique (Ruiz, 1999 ; Paillé, 1994) ; il s’agit d’une modalité dynamique, cyclique, qui permet la comparaison constante entre la réalité observée et la théorisation qui en ressort. Étant donné qu’on ne recherche pas une validité statistique mais une validité théorique, le nombre de sujets est relativement peu important : ce qui nous intéresse réellement est de recueillir l’information la plus appropriée pour fournir et fonder un développement théorique. On considère comme terminé le recueil de données lorsque les catégories établies commencent à se répéter : critère de validation par saturation (Mucchielli, 1986).
On a sélectionné un total de 24 informateurs en trois phases successives ; en recherchant la plus grande variété et richesse, on a constitué trois groupes :
Les moyens pour le recueil de données ont été l’entretien semi-structuré (moyen direct ou interactif) et le témoignage écrit (indirect, non interactif). Dans les deux premières phases, nous avons utilisé ces deux procédures ; cependant, en tenant compte du fait que les témoignages écrits n’ont pas apporté suffisamment d’information, et ne sont pas un moyen aussi riche et flexible que les entretiens, nous avons recueilli pendant la troisième phase le témoignage des auditeurs uniquement au moyen d’entretiens, quitte à en multiplier le nombre.
Le protocole suivi est le même que celui employé par Delalande (1989 a, 1998). Cependant, le programme de cette recherche élargit l'étude antérieure ; il prend en compte l’écoute d’un nombre plus important de fragments de musique, un nombre supérieur d’informateurs, il adopte une typologie plus variée de sujets, et augmente et diversifie les instruments de recueil d’informations. Nous estimons que la coïncidence méthodologique avec Delalande et la modification du programme réalisé contribuent de manière décisive au renforcement théorique de cette ligne de recherche.
Le recueil des données dans chacune des trois phases mentionnées a été suivi d’une analyse des données correspondantes : un processus qui comprend différentes étapes de caractère cyclique : codification et catégorisation, description, mise en relation et interprétation, puis théorisation.
Nous présentons maintenant l’analyse des trois fragments de pièces électroacoustiques mentionnées plus haut : on donne une sélection de témoignages qui constituent une petite partie du matériel documentaire recueilli à partir des entretiens et des témoignages écrits et dont la transcription occupe plus de 200 pages.
Pour chacune des réponses on indique d’abord le nom codé de l’informateur (alfa, bêta ou gamma, suivi d’un numéro de un à huit) ; en second lieu, on spécifie si l’information a été recueillie sous la forme d’un entretien (E) ou d’un témoignage écrit (IE) ; et en troisième lieu on précise si le commentaire est postérieur à la première, la deuxième ou la troisième écoute. Par exemple [bêta 5/E/1ère et 3ème] ; dans ce cas le sujet appartient au groupe bêta (« musiciens »), l’information vient d’un entretien (E) et les données ont été choisies dans les commentaires enregistrés après la première et la troisième audition.
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