En 2008, le célèbre label allemand « Deutsche Grammophon » commandait à Carl Craig et Moritz Von Oswald – deux géants de la musique techno – la ré-élaboration des enregistrements des œuvres de Maurice Ravel (« Bolero » et « Rapsodie espagnole ») et de Modest Musorgskij (« Tableaux d’une exposition »), jouées en 1987 par le Berlin Philarmoniker sous la direction de Herbert von Karajan. En partant de l’analyse des techniques de traitement électronique employées par Craig et Von Oswald, cet article cherche à montrer la nature profondément herméneutique du processus de réinterpretation de la tradition savante à l’œuvre dans les musiques électroniques actuelles. En valorisant la nature essentiellement anti-téléologique de la répétition et en employant des processus de transformation de la matière sonore typiques dans les musiques acousmatiques et de la production électronique en studio, les deux compositeurs reviennent de manière subtile à l’origine répétitive du minimalisme américain (essentiellement Steve Reich, Philip Glass et Terry Riley) en produisant un véritable re-transfert des techniques répétitives. En radicalisant le substrat répétitif caractéristique du vocabulaire technologique de l’EDM, les deux compositeurs dialoguent, en même temps, avec la tradition classique, les compositeurs répétitifs américains et les musiques acousmatiques en mettant en évidence le processus de transformation ontologique du matériau musical en matière sonore.
Andrea Giomi, « Le concept de matériau entre musiques savantes et musiques actuelles – Le cas de ‘ReComposed' », Musimédiane, n° 11, 2019 (https://www.musimediane.com/11giomi/ – consulté le 23/12/2024).