2. Analyse de Styx : section D

Les réflexions précédentes nous donnent une idée du degré de densité dans la dernière partie de la section D. Maintenant, on sait que la quantité moyenne d'attaques par seconde est d'à peu près 19, 2. Ce chiffre nous indique, du point de vue de la perception, que nous sommes près du seuil de fusion temporel (de 20 attaques par seconde, environ). C'est-à-dire que, nous sommes au moment où il ne nous est plus possible d'isoler les attaques et, en conséquence, nous avons la tendance à les fusionner dans un continuum [1]. Sur cet aspect, néanmoins, il faut faire quelques observations.

Si quand on considère toutes les voix, on arrive presque au seuil de fusion temporel, lorsqu'on prend en considération les couches par rapport à son registre, le résultat est différent. Voyons cela un peu plus en détail.

Comme il a déjà été dit, dans les processus 2 et 3, les pianistes 1 et 3 vont du registre central vers l'aigu et les pianistes 2 et 4 du centre vers le grave. Cela veut dire que, à l'écoute, nous arrivons à séparer cette espèce de masse sonore en deux strates ; l'une qui est représentée par la montée vers l'aigu et l'autre par la descente vers le grave. Lorsque nous essayons d'avoir une idée plus concrète du nombre d'attaques dans chaque strate, dans le troisième processus, nous parvenons au résultat suivant : dans la strate aiguë nous avons 336 croches (pianiste 1) + 276 croches (pianiste 2) = 612. Comme il faut soustraire 12 attaques coïncidentes, donc, nous avons 600 attaques dans une minute et 10 attaques dans une seconde. Dans la strate grave nous avons 368 croches (pianiste 2) + 304 croches (pianiste 4) = 672. Nous soustrayons 16 attaques coïncidentes, donc, nous avons 656 attaques par minute et presque 11 par seconde. Ces chiffres nous indiquent que ni dans la strate aiguë ni dans la grave, les attaques n'atteignent le seuil de fusion.

À cause des caractéristiques des timbres du piano, c'est, surtout, l'interaction des pianistes qui jouent dans l'aigu (1 et 3) la plus claire à l'écoute. Sur ce point il faut se souvenir que, dans le registre aigu la durée du son raccourcit de plus en plus et ceci rend la séparation des attaques plus facile. Contrairement, la strate qui va vers le grave devient de plus en plus confuse et les lignes des pianistes ont tendance à se fusionner facilement. Dans ce dernier cas, la zone grave du registre, l'intensité forte et fortissimo, et la vitesse des attaques empêchent une écoute claire du processus (les cordes graves ont, aussi, une grande amplitude de vibration). Cela veut dire qu'avec une quantité semblable d'attaques par seconde (10 environ) et un procédé d'imitation similaire, le compositeur crée une sorte de continuum formé par deux plans sonores.

Dans Styx (section D), on trouve, fondamentalement, trois procédés pour créer des effets d'accélération [2] :

  1. utilisation des tempi de plus en plus rapides ;
  2. superposition des couches (cela fait augmenter la densité d'attaques par unité de temps) ;
  3. variation de la densité harmonique (« rythme harmonique »).

N'ayant pas besoin de s'attarder sur les deux premiers aspects, voyons brièvement le numéro 3. Le dernier processus de la section en est un modèle (voyez la Figure 7). On y trouve, dans toutes les couches, une diminution graduelle du nombre d'attaques par accord. Cela crée la sensation d'un changement continu du temps. Par contre, ici, les tempi ne sont pas modifiés. Le fait de jouer de moins en moins des croches par accord, dans chaque couche, produit la sensation d'une agitation qui devient de plus en plus intense. Continuum (1968), de Ligeti, établit un jeu très similaire à celui-ci, générant la sensation d'accélération à partir d'une pulsation constante avec des changements dans la quantité de hauteurs utilisées [3].

En outre, il faut souligner qu'il y a un choix soigneux, de la part du compositeur, des tempi que nous voyons dans la partition. Ces tempi ont un taux de coïncidence très bas. Cela contribue à la création d'une texture qui a un haut nombre d'attaques par unité de temps. C’est à partir de cela qu’il est possible de constater l'intention de Mâche de générer un flux sonore proche du continuum (il est important de dire que si ces tempi n'étaient pas soigneusement choisis, le nombre de superpositions pourrait augmenter significativement).

Ce jeu au seuil de notre perception a des éléments paradigmatiques qu'il faut bien mentionner. Il s'agit, tant des montées et des descentes permanentes des voix que de la sensation d'accélération continuelle.

En effet, en écoutant la section D nous avons la sensation d'être devant un morceau de quelque chose qui n'aurait ni commencement ni fin. On sent que la musique pourrait continuer à présenter des nouvelles montées et descentes. Les arrivées au la grave fortissimo sont des faux points d'arrivée car elles se transforment immédiatement en nouveaux points de départs. Dans ce sens-là, il faut inscrire ce morceau de musique dans la tradition d'œuvres (musicales, visuelles) et d'études plus expérimentales qui font appel à l’illusion [4] ; comme l'escalier de Penrose, les gravures d’Escher (Montée et descente), la gamme de Shepard, les expériences de Jean-Claude Risset (l'accelerando infini), quelques œuvres de György Ligeti (Continuum, L'escalier du diable), etc.

Dans Styx, comme dans les autres œuvres citées ci-dessus, l'idée d'illusion est basée sur la transformation progressive du matériau. Il est possible de retrouver cette manière de travailler dans de nombreuses œuvres de Mâche qui apportent une grande variété de timbres et de textures. Il faut se rappeler que le compositeur utilise, fréquemment, un très large spectre de sons provenant des lieux les plus divers : sons d'animaux, sons de langues différentes, sons d'instruments acoustiques, sons synthétisés, sons du monde qui nous entoure, etc. Dans ses œuvres, ces sons apparaissent combinés et associés de différentes manières. Il n'y a, en général, pas de recherche de l'anecdotique. Au contraire, le matériau concret, la texture et le timbre semblent toujours être le point de départ de la composition des œuvres. Voyez si, par exemple, les transformations progressives de la texture et du timbre au début de Kassandra, pour 14 instruments et sons enregistrés (1977), commentées par le compositeur lui-même :

la pièce débute sur un orage qui j'ai enregistré en Île-de-France. Cet orage déclenche une pluie, qui se métamorphose en un bruit de ruisseau enregistré en Bretagne autour duquel se déploient des sons de grenouilles captés à Java. Et tout cela, peu à peu, évolue en sonorités instrumentales. Il se trouve donc dans cette pièce une continuité à la fois dans le récit imaginaire, dans la nature des sons et dans leur organisation, passant de façon assez douce du bruitage pur vers la musique pure (MÂCHE, 2007, p. 254-255).

L'idée d'illusion et de transformation progressive est au cœur d'une grande partie de la musique de Ligeti. Voyons cette question.

La plupart des œuvres des années soixante et soixante-dix du compositeur hongrois sont construites sur deux éléments similaires à ceux que nous avons analysés précédemment dans la section D de Styx : le cluster de hauteurs et la superposition de structures rythmiques légèrement déphasées les unes par rapport aux autres. Dans la pièce de Mâche, les décalages ne sont pas générés à partir de la variation des structures rythmiques, mais à partir de tempi légèrement différents. En ce sens, nous pouvons observer comment des notations différentes apportent un résultat sonore similaire. Quoi qu'il en soit, il est important de se rappeler que les structures rythmiques présentes dans la musique de Ligeti peuvent être considérées comme des tempi. Par exemple, lorsqu'il y a une superposition de trois croches (triolets) sur quatre doubles croches et sur cinq doubles croches (quintolets), nous avons une superposition de trois tempi différents [5]. D'autre part, dans des œuvres comme Continuum et les Études pour piano (1985-2001), ce travail avec la superposition de tempi se poursuit d'une manière différente, à partir de la superposition de motifs décalés qui ont une unité rythmique commune audible (comme nous le verrons après chez les compositeurs minimalistes). Dans Continuum, par exemple, des ostinati légèrement différents sont superposés sur la base d'une pulsation commune.

Comme dans la section de Styx analysée dans cet article, dans de nombreuses œuvres de Ligeti le cluster est généré progressivement à partir d'une ou de quelques hauteurs. Cela se produit tant dans les œuvres qui présentent une texture statique (Lux aeterna, le 1er mouvement du Concerto pour violoncelle, la pièce n° 9 de Dix pièces pour quintette à vent), que dans les œuvres qui ont une texture formée par de petits ostinati  (le 3ème  mouvement du Concerto de chambre ou du Quatuor à cordes n° 2, la pièce n° 8 de Dix pièces pour quintette à vent).

Chez Ligeti, à partir des transformations progressives des matériaux, la musique passe d'un état à l'autre. En ce sens, Clocks and clouds - « Horloges et nuages  » - (1973, pour 12 voix de femmes et orchestre) est une œuvre paradigmatique où

des formes rythmiques et harmoniques précises se transforment progressivement en textures sonores diffuses et vice versa ; l’action musicale se compose donc principalement de processus de dissolution d’« horloges » en « nuages » et de condensation et matérialisation de « nuages » en « horloges » (LIGETI, 2013, p. 263).

Dans quelques œuvres de Ligeti (Atmosphères, Lontano, Lux aeterna, etc.), les variations sont si infimes qu'on a la sensation de stagnation, bien qu'il y ait un mouvement incessant au sein de la masse sonore. La transformation graduelle constitue, dans une grande partie de sa musique, l'outil de composition le plus important, et c'est à travers lui qu'il parvient à travailler avec le concept d'illusion. En parlant de son œuvre Continuum, le compositeur explique que la construction de cette pièce est basée sur des transitions graduelles appliquées à la fois aux hauteurs et aux intervalles. Il dit: « j’introduis à chaque fois une nouvelle hauteur et j’en élimine une autre. [...] Il n’y a pas de série, mais une certaine construction des intervalles et des hauteurs avec des transitions graduelles » (MICHEL, 1995, p. 190-191). Peu après, le compositeur évoque les illusions acoustiques générées dans cette œuvre et commente son admiration pour les dessins d'Escher, notamment Métamorphoses, un dessin où les transformations progressives sont très proches de celles de Continuum. (Notez la proximité entre le récit de Ligeti et celui fait par Mâche, ci-dessus, sur son œuvre Kassandra.)

Il faut dire aussi que le rythme dans cette pièce n'est pas celui qui est vraiment joué. [...] Cet aspect de l’illusion acoustique est essentiel pour moi : on oublie le « vrai  » rythme au profit d’un rythme d’illusion. A cette époque, je ne connaissais pas encore les dessins d’Escher [...]. En 1972, j’ai pu voir ses dessins, ceux-ci eurent sur moi une grande influence. J’ai trouvé chez lui des idées voisines de celles de Continuum. [...] Un de ses dessins les plus typiques s’appelle Métamorphoses. Escher transforme progressivement un carré en animaux (lézards), puis cela redevient géométrique ; des hexagones​ évoquent l’association à une ruche d’abeilles, puis les abeilles sortent en volant et se muent en papillons ou en poissons. L'idée est géniale. Quand j’ai vu cela, j’ai été très touché car, dans Continuum, c’est exactement la même chose (MICHEL, 1995, p. 192-193).

Les transformations progressives que l'on trouve dans la musique de Ligeti et de Mâche sont un élément fondamental de la musique dite minimaliste ou répétitive, née aux États-Unis dans les années soixante. Parmi les principaux compositeurs de ce courant on peut citer les suivants : La Monte Young, Terry Riley, Steve Reich, Philip Glass, et John Adams. La répétition de motifs et, plus précisément, la répétition systématique est ce qui définit cette musique (CERVO, 2005, p. 48). En plus du décalage progressif et la superposition d'ostinati (en général), ce sont les processus additifs qui caractérisent le plus cette esthétique [6].

La technique du déphasage graduel a été largement développée par Steve Reich dans ses œuvres composées entre 1965 et 1972. It's Gonna Rain (1965), Come Out (1966) et Melodica (1966) - pour bande magnétique -, sont les premières expérimentations avec cette technique ; dans ces pièces, le même matériau est exécuté simultanément et puis accéléré dans l'une des couches pour générer un décalage progressif. Ce procédé a ensuite été adapté à des œuvres issues de l'univers strict de la musique électroacoustique, telles que Piano Phase (1967, pour deux pianos ou deux marimbas), Violin Phase (1967, pour violon et bande), Pendulum Music (1968, pour microphones, amplificateurs, enceintes et exécutants), Phase Patterns (1970, pour quatre orgues électriques), Drumming (1970-71, pour un ensemble de percussions diverses et voix) et Clapping Music (1972, pour deux personnes tapant dans leurs mains).

A l'époque où Reich expérimentait le déphasage graduel, Philip Glass développait son travail de composition autour des processus additifs ; 1+1 (1967, pour un musicien et table amplifiée), Two pages (1968, pour un piano ou un clavier électronique), Music in Fifths (1969, pour un ensemble concertant), Music in Contrary Motion (1969, pour orgue) , Music in Similar Motion (1969, pour n'importe quelle formation instrumentale) sont des exemples de ce type de travail.

Le début de la section D de Styx (pianiste 2), avec sa pulsation régulière et l'utilisation  d'un seul matériau qui se répète un certain nombre de fois avant d'ajouter et de soustraire progressivement des hauteurs, ressemble aux œuvres répétitives nord-américaines ; dans celles-ci, néanmoins, la répétition a tendance à être beaucoup plus grande, la densité texturale beaucoup plus faible et l'harmonie plus consonante. Mâche est plus proche de ce courant dans une pièce intitulée Solstice [7] (1975, pour clavecin moderne et orgue positif, ou bande magnétique). Dans cette œuvre, il y a une pulsation régulière qui sert de base à une superposition de motifs de longueur différentes qui s'inscrivent dans un jeu de décalage constant. Cela génère la sensation d'une répétition toujours différente, due aux multiples combinaisons qui s'établissent entre les matériaux. Ces éléments sont liés à ce que Michel Imberty (2003, p. 646) a appelé « répétition-déviation » ; une répétition constante et minimale du modèle initial. De ce fait découle « l'impression contradictoire pour l'auditeur de monotonie et de perpétuel changement où le même et le différent se confondent  ».

La section D de Styx nous mène aussi à d'autres musiques faites dans le domaine de la musique électroacoustique. Dans ce cas-là, il faut mentionner, par exemple, le travail réalisé avec l'intensité (processus de masquage) et le décalage graduel d'un matériau musical identique (ou similaire) à différentes vitesses (phasing). L'idée d'avoir des couches superposées avec des tempi inégaux a été, en effet, largement exploitée dans le champ de la musique électroacoustique dès le début. D'après Marta Grabócz (2013, p. 155),

Dans la quatrième section, partie culminante et centrale de Styx […], l’illusion sonore d'une montée vers l'infini est créée par la stratification de plusieurs plages d'accords répétés à différentes vitesses de pulsation. Ceci correspond à la transposition de la méthode de  « phasing » électro-acoustique à la musique instrumentale.

La structuration de la musique à partir de la superposition de couches a conduit, dans de nombreux cas, à penser la musique à partir de sa composante texturale. Dans Styx, la texture (comprise comme sonorité) devient l'élément clé pour organiser tous les autres éléments [8]. Dans ce type de travail, la texture n'est plus une catégorie générale qui organise la simultanéité de la musique pour devenir quelque chose de spécifique, de particulier et même le centre de la composition.

Cette « émancipation de la texture » peut être comprise comme faisant partie d'un processus historique d'individuation et de critique des catégories générales. À ce propos, Fessel (2016, p. 27) déclare :

La critique de l’idée de totalité à travers l’individuation et la critique des principes abstraits à travers la matérialité textuelle sont les expressions les plus claires du nominalisme dans le processus historique que Jonathan Dunsby avait défini de manière un peu emphatique comme l’« émancipation de la texture ». L’importance que prend progressivement la texture dans la musique du XXe siècle, sa transformation en une dimension immédiate de la composition, est l’expression d'un processus nominaliste, dans le sens où elle suppose une perte du caractère contraignant des catégories générales qui régulaient la simultanéité dans la musique traditionnelle.

Il est important de se rappeler que le travail de composition autour du timbre et de la texture est assez nouveau dans l'histoire de la musique. Comme le souligne Dunsby (1989, p. 46) :

en fait, la texture en tant que terme musical appartient principalement à l'ère moderne. Il n'apparaît comme une entrée distincte que dans l'édition de 1954 du Grove's Dictionary of Music and Musicians, et son traitement dans The New Grove (1980) est dépourvu de beaucoup d'informations ou même de la conviction que le terme a une signification importante [9].

Chez Ligeti, les minimalistes, Giacinto Scelsi (4 Pezzi su una nota sola), Friedrich Cerha (Spiegeln), ou chez les compositeurs polonais Krzysztof Penderecki (Threnody to the Victims of Hiroshima), Witold Lutoslawski (Livre pour orchestre), et Henryk Górecki (Genesis), entre autres, l'idée de processus devient centrale. En ce sens, les premiers mots du texte de 1968 de Steve Reich (1974, p. 9), Music as a gradual process (La musique comme processus graduel), sont catégoriques : « Je ne parle pas du processus de composition, mais plutôt des pièces musicales qui sont littéralement des processus » [10].

Ce type de musique qui met l'idée de processus au premier plan est de plus en plus fréquent depuis le romantisme tardif. La forme wagnérienne apporte déjà cette idée d'un matériau en perpétuelle évolution (DALBAVIE, 1991, p. 307). Dans de nombreux cas, il s'agit des musiques basées sur des idées de croissance et diminution progressive. Cela rend ces musiques susceptibles d'être interprétées comme des métaphores de la croissance végétale ; ou suivant les idées de Mâche, comme des musiques basées sur des modèles universels présents dans la nature. Beaucoup de ces musiques sont assez homogènes et constituées d'un seul matériau qui varie de façon minimale tout au long de la pièce. Marc Chemillier (2001, p. 75-77), par exemple, compare la croissance de végétaux comme les mousses et les lichens à l'écriture de Ligeti. L'auteur dit :

La croissance des thalles procède par voisinage. Plus développées que les lichen (notamment par leurs tiges et leurs feuilles différenciées), les mousses possèdent elles aussi une structure en thalle filamenteux (elles n'ont pas de racines). De la même façon que les lichens, elles se développent en occupant de proche en proche un espace conquis par voisinage. [...] Dans la musique de Ligeti, les techniques d'écriture utilisées rappellent certains traits généraux des textures végétales. Le remplissage d'une zone définie par un contour simple, le développement par voisinage, l'apparition de petites aspérités se détachant d'un contexte homogène, la survie dans un espace raréfié, toutes ces idées sont présentes dans la musique de Ligeti.

Dans ses œuvres, Mâche utilise des modèles qui viennent de la nature ainsi que du langage et des animaux. À proprement parler, dans sa conception esthétique, il n'y a pas de différence entre l'intérieur et l'extérieur de l'œuvre. En ce sens, l'œuvre d'art n'est pas conçue comme un objet fermé et autorégulé (comme cela aurait pu l'être dans le sérialisme le plus extrême, par exemple). Le compositeur tente d'abolir la division classique entre culture et nature. Cela est plus évident dans les œuvres qui utilisent des sons de la nature et des animaux. Dans l'article Un clavecin au zoo (MÂCHE, 1998, p. 129), sur son œuvre Korwar (1972, pour clavecin moderne), le compositeur exprime son désir que les sons d'animaux « sortent de leur zoo sonore et suscitent une écoute musicale ». Il écrit : « Comme Rituel d'oubli, mais de façon plus incisive et plus abstraite, Korwar est un essai de réponse au dilemme nature -  culture ». Pour le compositeur : « la question n'est pas de prendre modèle sur la nature, de l'imiter ou, comme il a été dit, de la représenter. Le point essentiel consiste à déterminer des "formes" suffisamment générales, qui soient communes à l'homme (à tous les hommes) et à la nature » (SOLOMOS, 1999, p. 8).