L'opéra et ses éléments

Nous nous sommes appuyés sur les traces (ébauches et notes) communiquées par le compositeur, la partition éditée, les entretiens menés avec l’artiste, et les notices d’accompagnement publiées dans la partition. Les esquisses et autres traces proviennent des photocopies des carnets de travail du compositeur, de bribes de partitions et du manuscrit de l’opéra. A partir de ces traces, le musicologue a mené des entretiens libres ou semi-directifs avec le créateur. Ce dernier y décrit la genèse de l'œuvre, expose sa démarche créatrice, et explique les ajustements auxquels il a dû procéder pour composer son opéra, puis accompagner les artistes dans sa réalisation.

La genèse du livret

Le compositeur élabore son livret à partir des différents textes de la pièce Sumidagawa jouée dans les cinq écoles de théâtre Nô. Pour mémoire, le texte fondateur de l’histoire de Sumidagawa s’appuie sur un poème anonyme du XIe siècle, le Conte d’Isé, attribué à Arwara Narihira. Les rimes décrivent la détresse d’un amour perdu. Ce thème est repris au XVe siècle par Kanze Motomasa, fondateur de l’école Nô portant son nom, qui adapte un fait divers relatant la quête d’une mère à la recherche de son enfant kidnappé.
Ayant recherché les cinq versions originales de cette pièce pour chaque école, Susumu Yoshida suit principalement le texte de l’école Kanze et procède à un premier travail d’adaptation pour en faire un livret d’opéra.

De cette première version, Yoshida va écrire huit autres livrets. La deuxième version est la traduction en japonais moderne du premier travail réalisé à partir des bribes de textes originaux et des aménagements réalisés par le compositeur. Le troisième livret est une adaptation « mot pour mot » du livret japonais en écriture alphabétique pour faciliter le travail des chanteurs. Le quatrième livret est la traduction française du texte pour en faciliter la compréhension. La réduction en français de ce texte mise au début de la partition représente la cinquième version. La sixième version réalisée par le compositeur sert de support à l’émaki qui est déroulé sur scène pendant le spectacle. La traduction en français de cet émaki pour le sous-titrage qui passe sur le prompteur est la septième version. Les huitième et neuvième version sont les textes en japonais et français qui sont écrits sous les portées de la partition éditée par Billaudot en 2008. Lorsque nous observons l’important travail d’écriture sur ces différentes versions, nous comprenons la déclaration du compositeur. Il précise qu’il a voulu défendre la beauté lyrique de la langue japonaise et y sensibiliser les chanteurs.
L’opéra Nô Sumidagawa est une œuvre pour deux chanteurs (soprano et baryton) et un quatuor de percussionnistes, visible des spectateurs.

Les notices et entretiens

La perspective des sciences de l’information et de la communication prend en considération les différents genres de discours exprimés par les acteurs. La musique « savante » d’aujourd’hui présente un intérêt particulier, en ce que le compositeur recourt à un dispositif de communication nouveau, les notices sur l’œuvre. Elles lui permettent de s’exprimer directement au public, afin d’accompagner son expérience d’écoute lors du concert. L’analyse de ses modalités communicationnelles permet de cartographier de manière fine et renouvelée les pratiques qui ont lieu dans le champ de cette musique. Les notices sont en quelque sorte les récits rapportés d’une démarche de création (idées, matériau) et de conception (circonstances concrètes, difficultés rencontrées). Elles mettent des mots sur un objet réalisé, même si elles peuvent être un espace d’anamnèse pour le compositeur. Il peut, à la faveur de cet exercice, revenir sur les traces de ses intentions originelles. Les notices communiquent en même temps qu’elles sont un angle mort. Elles ne peuvent pas tout dire, mais permettent d’avoir accès à ce qui ne peut pas être dit autrement.

Les notices écrites par le compositeur Susumu Yoshida sur son opéra Sumidagawa sont consignées sur l’édition de la partition. Elles adoptent le format réduit habituel d’une demi-page, et se déclinent en notice sur l’œuvre proprement dite et en notice sur le livret. Les deux sont signées et datées par le compositeur.