François Delalande et Giovanni Antonini
Du timbre instrumental à la rhétorique de la « prononciation »

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Le « timbre baroque » n’est pas seulement le timbre des instruments. C’est aussi la manière dont on fait « sonner » ces instruments, par tous les artifices d’attaque, d’articulation, par la manière de « prononcer » le discours musical. On passe insensiblement de la recherche sur les instruments anciens, celle des luthiers, à une rhétorique baroque qu’ont retrouvée les interprètes et qui prolonge et explique la spécificité des instruments. Retrouver l’instrument est une chose, en retrouver le « mode d’emploi » en est une autre ; mais l’un ne va pas sans l’autre.
La recherche d’un « son » par les interprètes du baroque couvre ce spectre qui va de la lutherie à la rhétorique. De ce point de vue, les ensembles sont de véritables laboratoires de recherche, et l’un d’eux, le Giardino Armonico et son chef, Giovanni Antonini, sont exemplaires. Nous présentons des extraits d’un entretien qui ne prennent tout leur sens si l’on peut, comme ici, incruster quelques fragments de musique que commentent les dialogues .

Cet ensemble et son chef se sont rendus célèbres par leur interprétation de Vivaldi. La rencontre Vivaldi-Antonini pose à nouveau, mais avec une sensibilité très contemporaine, le problème de la fidélité. Antonini ne cesse de dire que les trouvailles sonores du Giardino Armonico sont déjà dans Vivaldi. Peut-être. Il est vrai que les pizzicati des violoncelles qui figurent la pluie dans l’Automne des Quatre Saisons sont bien notés fortissimo – ce qui est vraiment très étonnant – que l’alto qui fait le chien qui aboie dans le Printemps doit, pour être fidèle à Vivaldi, être joué « sempre fortissimo e strappato », c’est-à-dire « déchiré, arraché », ce qui est pour le moins surprenant. Il n’empêche que si j’ai été personnellement fasciné par cette interprétation et ai voulu en parler avec Antonini, c’est parce que « l’autorité du choix des sons », comme dirait François Bayle à propos des Variations pour une Porte et un Soupir m’a fait d’abord penser au Pierre Henry de ces Variations ou de Mouvement-Rythme-Etude : on entend trois « chaînes », comme on dit dans le milieu de la musique électroacoustique, fortement contrastées, plutôt que trois voix, en termes d’harmonie. Ce sont des morphologies sonores qui s’opposent. Ces contrastes, certes, sont typiquement baroques, mais ils rencontrent, par la plus heureuse coïncidence, une oreille typiquement contemporaine, celle de ces musiciens du Giardino, ensemble créé en 1985, qui n’ont jamais enregistré qu’en numérique ; une oreille formée à l’écoute du rock et des musiques du monde. Les attaques qui « décoiffent » ou les bruits concrets de frottements d’archets appartiennent à une esthétique sonore contemporaine, même si, incontestablement, comme le rappelle inlassablement Antonini, tout cela est déjà dans Vivaldi. C’est la grande trouvaille des interprètes du baroque : ils ont réussi à nous délivrer un « son » tout ce qu’il y a de plus actuel au nom d’une scrupuleuse fidélité au passé. Bien joué. C’est aussi, il faut le dire, ce qui nous a donné envie de consacrer un numéro de Musimédiane au timbre baroque…

Frédéric de Buzon
L’émergence du timbre dans la pensée musicale

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Au XVIIIe siècle, la théorie de la musique s’enrichit d’une propriété du son distincte de la hauteur, de l’intensité et de la mesure : il s’agit du timbre, évoqué notamment par le Dictionnaire de Musique de Jean-Jacques Rousseau (1768). La présente étude envisage les conditions théoriques sous lesquelles ce que l’on nomme (improprement) un paramètre a été exclu de la théorie pure de la musique au début de la révolutions scientifique et de la conception de la tonalité, puis en propose une approche irréductiblement empirique à partir notamment de la catégorie leibnizienne de clair-confus. Quelques remarques sur Arnold Schönberg s’articulent au propos.

Editorial

Ce numéro 6 de la Revue Musimédiane, intitulé « Musiques interactives et improvisation », n’a pas pour ambition de proposer une classification des projets ou réalisations pour ensuite mettre en évidence différents régimes d’interactions musicales, pas plus qu’il ne prétend répertorier la diversité de ces régimes actuels ou possibles.

Traitant d’une question maintes fois abordée, nous sommes convaincus qu’il convient de rapprocher encore et encore des expériences empiriques pour que des recoupements comparatifs puissent germer, et partant, de nouvelles théories affleurer.

C’est dans cet esprit que nous avons suscité des contributions émanant de musicologues ou de musiciens et traitant de sujets aussi éclectiques que la métaphore des collections figurales pour la synthèse sonore, la composition et l’exploration multimédia, l’influence des outils numériques sur le temps musical, le pilotage de musiques improvisées par des outils de gestion bureautique, la refondation interactive d’œuvres, l’analyse d’œuvres interactives, la préservation d’œuvres interactives par des méthodes de reconception proches du reverse-engineering des industriels. Que ces musiques relèvent de conditions de possibilité fortement techniques ne sera pas sans intérêt pour le lecteur de Musimédiane, revue d’analyse musicale avant tout : il faut parier que la compréhension des contingences et possibilités technologiques ouvrira le champ à des démarches analytiques originales.

L’idée directrice est d’entretenir l’excitation de nos communautés de recherche et de création autour de cette question directrice et stimulante des musiques interactives.

Nous accueillons également deux articles hors thématique dans ce numéro : le premier, par François Giroux, consacré au Trio à cordes opus 45 de Schoenberg, sur le thème de la mémoire et de l’oubli ; le second, que nous devons à Grégoire Carpentier, pose les prémisses d’une orchestration assistée par ordinateur.

François Giroux
Mémoire et oubli dans le Trio à cordes op. 45 : traces de l’énergie des paradoxes dans la pensée musicale de Schoenberg

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Loin de se réduire avec l’effacement du centre tonal, la réflexion exercée par Schoenberg sur le phénomène de la tonalité s’accroît considérablement avec l’émancipation de la dissonance. Bien après l’invention de la « méthode de composition avec douze sons », les conceptions tonales de Schoenberg se sont singulièrement confortées et élargies, et certaines œuvres appartenant à sa dernière période créatrice recherchent de nouvelles fusions de la consonance et de la dissonance.

Dans le Trio à cordes op. 45 en particulier, Schoenberg parvient à retrouver au sein de la musique à douze sons une énergie qui produit des résonances avec les fonctions structurantes que la tonalité était à même d’organiser. Seule, cette dernière ne peut plus assumer la tension à l’échelle de l’œuvre. Cependant, suggestions et réminiscences tonales continuent à produire des signes, eux-mêmes condensés d’une ancienne énergie. L’un des gains indubitables est la création d’une musique prenant en charge ces tensions et cette énergie.

Grégoire Carpentier
Aide logicielle à l’orchestration : Un état des lieux

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Nous présentons dans cet article un ensemble de technologies récentes dédiées à l’assistance logicielle à l’orchestration. Conçus et développés à l’IRCAM depuis 2005 et aujourd’hui utilisés par de nombreux compositeurs, ces outils offrent un nouvel éclairage sur l’exploitation de connaissances musicales issues du signal audio à des fins de composition.

Sont notamment abordées les questions de leur interaction avec les variables traditionnelles de l’écriture musicale, et du respect de la subjectivité du compositeur. Des exemples concrets tirés de situations musicales réelles illustrent ces concepts. Ces discussions sont enfin l’occasion d’une réflexion sur le problème complexe de l’écriture du timbre en informatique musicale.

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In this article we present a set of recent technologies dedicated to computer-aided orchestration. Having been designed and developed since 2005 at IRCAM and now being used by a wide community of composers, thèse tools shed a new light on the use of signal-based musical knowledge in composition. We discuss the interaction of audio data with traditional musical symbolic data and address the issue of preserving composers subjectivity, providing readers with concrete examples drawn from real-life musical situations. These considerations also lead to generic questions regarding the complex problem of using computers for timbre writing.