Pourquoi faire le choix multimédia dans la transmission d’un savoir ethnomusicologique ? L’article présente les raisons épistémologiques qui ont conduit l’auteur à présenter ses résultats autrement, d’une part pour permettre une lecture rapide de l’interprétation et d’autre part, pour donner accès à l’ensemble d’un corpus audio, visuel et textuel, commenté de différentes manières et en plusieurs langues. L’accès aux modèles musicologiques est facilité par la création de clés d’écoute.
Catégorie : Numéro 3 – Musiques non écrites – mai 2008
Dana Rappoport
Madeleine Leclair
Projets multimédia à destination du grand public. L’exemple du site {Mondomix, la musique en couleur} et du documentaire interactif {Sonorama. Sud du Bénin}
Les réalisations multimédia prenant pour objet la musique et ses conditions d’existence représentent un domaine de recherche appliquée devenu incontournable pour la diffusion des connaissances en ethnomusicologie. L’article de Madeleine Leclair se propose d’aborder certains aspects méthodologiques et didactiques propres à ce type de projets, en s’inspirant de trois réalisations récentes consacrées aux musiques et danses non occidentales : le site internet Mondomix, la musique en couleur, le documentaire interactif Sonorama. Sud du Bénin, ainsi qu’une étude de préfiguration menée au Musée du quai Branly en 2005 et 2006 dans le cadre d’un projet d’exposition de la musique à destination du grand public.
Gérald Guillot
Analyse des variations de gongué d’une {toada de maracatu nação} (Brésil) – Cycle et variation
Le maracatu nação est encore peu connu sur le plan musicologique et le choix d’une source enregistrée commerciale (une piste de CD audio) est inhabituel. En effet, la motivation initiale de cette analyse fut essentiellement centrée sur un questionnement concernant les options prises lors de l’enregistrement ; elle s’orientera très vite sur les problématiques de renouvellement du discours musical. Cette étude fine des variations du gonguê, qui débouche sur une sorte de “ cartographie stylistique ” du musicien, aborde au passage deux phénomènes temporels corollaires : le suingue brasileiro et l’inférence auditive d’un tel espace sonore. Plus qu’une analyse d’objets musicaux issus d’une tradition musicale non occidentale, elle propose de nouveaux outils hypermédias de présentation, mais aussi de recherche, dès lors qu’ils deviennent producteurs de données.
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Annie Labussière
D’un Pentatonique l’autre : processus, structure, gestuelle, polarités dans le chant traditionnel à voix nue
Cette communication présente une théorie capable d’évaluer et de nuancer la mise en œuvre des structures mélodiques dans le chant traditionnel à voix nue, et de préciser la double nature du Pentatonique : selon les cultures, celui-ci est traité soit comme un système, soit comme une structure. Dans le premier cas, il se présente comme un invariant dont les modules sont interchangeables ; dans le second cas, il se présente comme une structure de surface s’appuyant sur des structures plus profondes, sur lesquelles s’articulent des mouvements de quarte, de quinte ou d’octave ; ces mouvements, à leur tour, peuvent éventuellement s’orienter vers une gestuelle modale, c’est-à-dire préparer et affirmer une structure et une finale caractéristiques de tel ou tel mode.
Communication donnée le mardi 17 octobre 2006, dans le cadre du Colloque Mélodie et fonction mélodique comme objet d’analyse, Ircam, Paris, mardi 17 et mercredi 18 octobre 2006.
Editorial
Ce numéro de Musimédiane présente des analyses musicales utilisant le multimédia dans le domaine particulier des musiques non écrites. On entend par là, dans un sens assez large, les musiques dont l’exécution n’est pas précédée par une phase de composition comme dans la musique savante écrite occidentale ou la musique électroacoustique (le moyen d’écriture est la partition dans le premier cas et la bande magnétique dans le second). Cela concerne essentiellement les musiques traditionnelles et le jazz. Il peut s’agir de musiques improvisées (ce thème sera traité spécifiquement dans un numéro ultérieur de Musimédiane) ou non improvisées comme certaines musiques traditionnelles dont la forme est plus ou moins figée (par exemple les polyphonies vocales de Sardaigne), même si elle n’est jamais matérialisée ailleurs que dans une mémoire collective.
Sur le plan multimédia, l’absence d’une convention de notation de ces musiques partagée au sein d’une large communauté pose des problèmes spécifiques. La première question que l’on est amené à résoudre, en effet, est de savoir comment les représenter graphiquement. On verra dans ce numéro une grande variété de possibilités explorées par les auteurs.
Au-delà de la notation, l’analyse de musiques étrangères à la tradition analytique savante occidentale, telles que les musiques traditionnelles (et dans une certaine mesure le jazz) nécessite certaines précautions particulières. En ethnomusicologie, l’étude du contexte culturel et social de la musique est indissociable de l’analyse musicale proprement dite. C’est elle qui garantit la pertinence des analyses et, de ce fait, elle en modifie profondément la pratique. Cela est vrai aussi dans le jazz où le contexte culturel et esthétique n’est pas le même que dans la musique classique (une phrase musicale n’est pas jouée de la même manière par un orchestre de jazz et par un orchestre symphonique). Dans ces conditions, le but de l’analyse est de fournir des « clefs d’écoute » (au sens que Bernard Lortat-Jacob donne à ce terme) permettant de comprendre comment une musique est entendue au sein d’une culture donnée.
Les articles n’ont pas tous le même degré d’association entre l’analyse musicale et le contexte culturel et esthétique. Mais il nous a paru utile de rassembler ici, à côté de travaux relevant de l’ethnomusicologie de terrain au sens propre ancrée dans un contexte donné, d’autres qui ne s’y rattachent pas directement, mais qui apportent un éclairage intéressant et novateur sur l’utilisation de techniques multimédia dans l’analyse des musiques non écrites.
Certains auteurs ayant participé à ce numéro sont des ethnomusicologues. Deux, en particulier, ont marqué le développement du multimédia pour l’analyse musicale : Simha Arom avec le CD-ROM Aka paru en 1998, et Bernard Lortat-Jacob avec la clef d’écoute sur les polyphonies sardes réalisée en 2001. Le numéro accueille également des pédagogues, analystes ou musiciens. Le dossier spécial « Réflexions sur le multimédia appliqué aux musiques non écrites » présente des analyses existantes. Les autres analyses sont inédites (celle d’Annie Labussière reprend un support audio-visuel de conférence très inventif sur le plan multimédia). Plusieurs analyses s’adressent à un large public de mélomanes. D’autres intéressent plus directement un public concerné par l’ethnomusicologie en tant que discipline scientifique, et les bouleversements qu’y apporte le multimédia dans la transmission des connaissances entre chercheurs (voir l’article de Dana Rappoport sur l’intérêt du multimédia dans la modélisation des constructions logicistes en sciences humaines).