Hugues Seress et Gilles Baroin
De l’Hypersphère au Spinnen Tonnetz : propositions d’adaptation pour les modèles triadiques

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La représentation mathématique des ensembles musicaux et de leurs relations ne constitue pas un domaine d’étude véritablement récent. Véritable corollaire de la théorie musicale austro-allemande depuis le grand XIXe siècle (Euler, Marx, Öttingen, Riemann…), elle est relayée depuis la Set Theory (années 1960) et la théorie transformationnelle de David Lewin (1987), par la musicologie systématique anglo-saxonne (Clough, Klumpenhouwer, Hyer, Cohn, Douthett, Steinbach, Tymoczko…), ainsi que par « l’école formelle française » (Mazzola, Andreatta, Jedrzejewski, Chouvel, Hascher…).

Avec Richard Cohn (1996), ces représentations se dotent du critère de parcimonie et d’une description de la conduite des voix. La triade majeure ou mineure devient une entité surdéterminée, et la tonalité chromatique,  le lieu privilégié des nouvelles explorations néo-riemanniennes. Dans le sillage des nombreux écrits américains des années 1990, sont définis les systèmes hexatoniques qui constituent une reformulation des régions de Weitzmann (1853), mais aussi d’autres cycles et générateurs parcimonieux d’accords à 3 et 4 sons,  Hexacycles et Octacycles, qui dessinent un nouveau cycle de six régions tonales reliées par une note commune : PLR family (Cohn). C’est ce modèle que spatialise G. Baroin (Hypersphere of Chords).

Depuis les années 2000, consécutivement au regain d’intérêt pour l’analyse schenkérienne et l’analyse des répertoires de la pré-tonalité, ainsi qu’à la découverte ou la redécouverte de théories du système tonal (Vecteurs Harmoniques de N. Meeùs, Polarité Transformationnelle de S. Karg-Elert…), les modèles de description et de représentation du système chromatique tentent de dépasser  la successivité des événements harmoniques, en réintégrant les concepts de direction et de hiérarchie tonales, qui seuls permettent l’appréhension du système comme processus transformationnel, et non comme simple objet formel (Tonnetz Polarisé de H. Seress). La mythique récursivité des niveaux de la structure fait progressivement place à la définition d’une hiérarchie sur la base d’une observation contextuelle des différents caractères déclinés par les progressions tonales et harmoniques (Spinnen Tonnetz de G. Baroin et H. Seress).

Ce sont ces différentes phases de la construction des modèles de représentation que se propose de retracer cet exposé, en s’attardant plus particulièrement sur les plus récentes d’entre elles. Au moyen d’exemples musicaux variés, il tentera de montrer la nécessaire adaptation des Tonnetze au type de fonctionnement tonal ou de niveau de structure décrit.


Hugues Seress et Gilles Baroin, « De l’Hypersphère au Spinnen Tonnetz : propositions d’adaptation pour les modèles triadiques », Musimédiane, n° 11, 2019 (https://www.musimediane.com/11seressbaroin/ – consulté le 23/11/2024).

Céline Chabot-Canet
Entre universalité et singularité : l’interprétation vocale abordée par l’outil informatique

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Au-delà de la dialectique parole/musique, la musique vocale, et particulièrement la chanson et les popular music, se caractérise par l’importance fondamentale d’une troisième entité : l’interprétation vocale. L’usage de la voix, un universel dans l’ensemble des cultures musicales, représente un carrefour de confrontation entre les contraintes génériques et socioculturelles et la singularité irréductible de l’individu interprète. La performance vocale, intronisant, à un degré divers suivant le genre, l’impur, le désordre et le charnel, est relativement peu étudiée à cause de son caractère « mouvant » et réfractaire à la théorisation et à l’exhaustivité. Pourtant, elle peut bénéficier d’une analyse approfondie et méthodique, au même titre que la composition. Il s’agit de l’aborder comme « objet complexe », selon la méthode d’Edgar Morin, et, à ce titre, de la soumettre à une démarche pluridisciplinaire à l’interface des sciences exactes et des sciences humaines – acoustique, linguistique, rhétorique, musicologie… Dans ce nouveau protocole, l’analyse spectrale joue un rôle important en permettant une visualisation des paramètres interprétatifs pour lesquels la notation traditionnelle se révèle inadaptée. Échappant au caractère discret de la partition, la vocalité peut être analysée dans son continuum, comme matière en évolution intégrant toutes les nuances de timbre, rythme, phrasé, dynamique, effets expressifs (accentuation, intonation, glissando, tremolo, vibrato…), ainsi que les tensions dialogiques entre parlé et chanté. L’analyse informatique autorise à la fois le repérage d’éléments infimes dans les différentes phases de la note et la mise en évidence des relations d’interdépendances et de combinatoires entre les paramètres. Elle permet ainsi de décomposer, d’analyser et de rationaliser la perception globale de l’écoute. Toutefois, l’image spectrale ne peut faire l’économie d’une lecture musicologique surplombante qui opère une sélection des éléments signifiants et pertinents et en propose une interprétation et une intégration dans une sémiologie qui transcende les phénomènes disjoints par l’analyse. D’autre part, cette utilisation des outils informatiques, pour ainsi dire détournés de leur usage originel, nécessite une pratique assez longue pour la maîtrise de la lecture et des paramétrages des graphiques – ceci d’autant plus que nous devons travailler sur des enregistrements phonographiques existants, avec toutes les contraintes que cela suppose, et non sur un corpus expérimental. L’interprétation vocale ainsi analysée peut aussi bien inscrire l’œuvre dans une spécificité générique que traduire la singularité inaliénable de chaque interprète. Elle joue à la fois un rôle inclusif – dans un univers musical particulier – et un rôle exclusif, attestant la signature singulière d’un individu. Elle permet alors d’élaborer au niveau sémiologique une véritable typologie interprétative faisant émerger les transversalités et les particularités génériques ou individuelles.



Céline Chabot-Canet, « Entre universalité et singularité : l’interprétation vocale abordée par l’outil informatique », Musimédiane, n° 11, 2019 (https://www.musimediane.com/11chabotcanet/ – consulté le 23/11/2024).

Philippe Gonin
« Interstellar Overdrive » de Pink Floyd et le processus de création à travers le prisme de l’improvisation collective : du chaos à l’ordre ?

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Le but de cette présentation est de souligner, à travers une seule et même composition, comment le Floyd est parti d’un concept d’improvisation libre reposant sur une structure formelle flottante mais stable à une improvisation libre cadrée dans une structuration formelle clairement établie.

De 1966 à 1970, le groupe jouait « Interstellar Overdrive » comme une sorte de fil conducteur. Bien qu’absent du live Ummagumma, la pièce est généralement considérée comme le seul exemple de ce que le groupe était capable de faire sur scène dans ses premières années (période dite « Barrett »). Une « compétence » scénique que ne souligne que partiellement le premier album studio du groupe, The Piper At The Gates Of Dawn et encore moins les singles « Arnold Layne » et « See Emily Play » qui, dans leur forme enregistrée, sont de pures « pop songs ».

« Interstellar », du premier avatar connu à la dernière prestation live enregistrée, apparaît comme l’exemple type de la mutation opérée par le groupe du psychédélisme au « space rock » (ou « rock planant ».)

Partant de ce constat, mon propos est donc de démontrer que le Floyd, alors à l’écoute d’une certaine avant garde, se dirige de plus en plus, en un laps de temps relativement bref, vers une musique, quand bien même elle reste en grande partie improvisée, clairement structurée.



Philippe Gonin, « ‘Interstellar Overdrive’ de Pink Floyd et le processus de création à travers le prisme de l’improvisation collective : du chaos à l’ordre ? », Musimédiane, n° 11, 2019 (https://www.musimediane.com/11gonin/ – consulté le 23/11/2024).