Les exemples choisis pour cet article mettent en perspective quatre parcours harmoniques et tonals équivalente au sein des deux répertoires, musiques populaires d'aujourd'hui, exemples 1a à 4a (The Muse) et musiques savantes du passé, exemples 1b à 4b (Beethoven, Wagner), selon le type de progression.
Tonnetz Polarisé et Spinnen Tonnetz
Les séquences présentées sont classées de manière à montrer que les parcours harmoniques et tonals qui se déroulent à différentes échelles (œuvre ou mouvement complet, exposition thématique ou refrain, développement, introduction, transition, membre de phrase,...), peuvent montrer des distances intervalliques, orientations modales et polarités partiellement similaires, et cependant ne pas nécessairement adopter la même logique. La récursivité des niveaux de la structure tonale est un débat déjà ancien de la théorie de la tonalité. Ainsi que nous avons pu l'entrevoir, dès le XIXe siècle, la confusion entre progression harmonique et tonalité provient, d'une part de la croyance en la possibilité d'un transfert direct de l'une à l'autre, d'autre part d'une définition imprécise de chacun des niveaux (cf. 1.3). Nous distinguerons, pour cet article, deux niveaux de hiérarchie : un plus stable, à grande échelle, et l'autre plus instable, soit parce qu'il est intégré dans une catégorie stable dont il constitue un des composants successifs, soit parce qu'il se situe en transition entre deux catégories stables. Le Tonnetz Polarisé est utilisé lorsqu'un seul niveau hiérarchique est représenté. En revanche, c'est le Spinnen Tonnetz qui permet de confronter l'articulation des deux niveaux, celui des tonalités ou des harmonies les plus importantes étant représenté au moyen d'une araignée, dont la toile s'étend sur une zone voisine en termes de parcimonie néo-riemannienne.
Caractéristiques inhérentes à l'analyse transformationnelle
Les descriptions néo-riemanniennes présentent deux désavantages certains. D'une part, l'approche transformationnelle implique souvent la mono-tonalité (ou autrement dit, l'atonalité) : les théories transformationnelles ne font pas de l'identification de la tonalité une priorité. D'une certaine manière, elles permettent davantage de perméabilité, mais entretiennent en même temps, un grand flou dans les définitions. D'autre part, la description d'événements successifs ne permet souvent pas de dépasser le cadre de la microstructure, parce que les critères qui la sous-tendent ne sont pas directement transférables aux niveaux supérieurs. L'opération qui consisterait à effectuer le chemin bottom-up n'est pas toujours directement possible.
En revanche, l'existence d'une distance intervallique est liée en partie à la direction et à l'orientation modale de la transformation. Ces distances polarisées et orientées assument une fonction discursive et formelle, et occupent à ce titre une place dans la structure, et ces chaînes de transformations sont associées à une conduite orientée des voix qui coïncide ou contredit la polarité (cycle des quintes). On peut ainsi remarquer que
- pour les relations de tierce mineure (y compris de triton) et changement(s) de mode : la conduite des voix s'effectue dans le même sens que la polarité,
- pour les relations de tierce mineure, de quinte, de seconde mineure ou de seconde majeure, et changement(s) de mode : la conduite des voix s'effectue dans le sens contraire à la polarité,
- pour les relations de tierce majeure (y compris de quinte augmentée) et changement(s) de mode : la conduite des voix s'effectue partiellement dans le même sens que la polarité, avec une conduite équilibrée des voix.
Ce rapport entre la polarité et la conduite des voix n'est pas modifiée si l'on renverse ou rétrograde la relation uniquement pour les progressions faisant intervenir les tierces majeures. Il ne l'est pas non plus pour les autres types de progressions, mais uniquement lorsque l'on les renverse.
Descriptif des parcours choisis
L'exemple 1a (The Muse, Map of the Problematic) a pour tonalité principale, une tonalité mineure, dont l'accord de tonique est donné au début de la grille (mi mineur). La grille compte quatre accords entre lesquels le rapport de tierce mineure joue un rôle de première importance : de part et d'autre d'une quinte descendante centrale (sol majeur – do majeur), se situent deux relations |R|, la première parvenant sur le relatif supérieur (mi mineur - sol majeur : R), et la seconde quittant la quinte descendante do majeur pour joindre le relatif inférieur (la mineur). L'exemple 1b (Beethoven, op. 13/III) expose le même parcours [1], mais cette fois entre tonalités, do mineur étant celle du thème principal, et mib et lab celles des deux parties secondaires.
Vidéo 1a
Vidéo 1b
L'exemple 2a (The Muse, New Born) a également pour tonalité principale, une tonalité mineure, dont l'accord de tonique est donné au début de la grille (mi mineur). Après un aller-retour mi – si – mi, le parcours de cet extrait semble prendre l'exact contrepied de l'exemple précédent : la quinte centrale est montante (do majeur – sol majeur) et de part et d'autre, c'est d'un rapport de tierce majeure (mi mineur – do majeur ; sol majeur – si mineur) dont résulte la structure symétrique de la représentation. L'exemple 2b (Beethoven, op. 14 n°1/II) expose le même parcours, mais cette fois entre tonalités, mi mineur étant celle du thème principal, et do majeur celle de la partie centrale.
Vidéo 2a
Vidéo 2b
L'exemple 3a (The Muse, Take a Bow) à l'instar du 3b (Beethoven, op. 53/I) montre un gigantesque cycle des quintes, qui est sous-jacent à toute l'œuvre de The Muse, et au développement (partie centrale) de la sonate à Waldstein. Les rapports de tierce y sont également présents, mais à l'intérieur de phénomènes transitoires, notamment des marches (mib mineur – fa# majeur ; si mineur - sol majeur, 3b).
Vidéo 3a
Vidéo 3b
L'exemple 4a (The Muse, Exogenesis Part One) s'articule sur une relation de tierce majeure dominante (la majeur – fa majeur), de la même manière que l'exemple 4b (Wagner, Parzifal, ouverture) montre la structure symétrique (lab majeur – do mineur). Les relations secondaires sont la plupart du temps des relations de tierce, y compris avec triades augmentées, excepté au moment des cadences où l'on retrouve des quintes.
Vidéo 4a
Vidéo 4b